Reparaît ces jours-ci à la Table Ronde un roman méconnu de
Michel Déon, Les Gens de la nuit,
publié pour la première fois chez Plon en 1958. On y suit la déambulation
sentimentale et alcoolisée d’un jeune homme vert et triste dans le Paris
noctambule des années 50.
Le fameux incipit, « Cette année-là, je cessai de
dormir », donne le ton. Le héros, Jean Dumont, nous emporte avec lui dans
ses rondes de nuit. Après une peine de cœur et luttant contre le poids d’une
« absence intolérable », ce fils d’académicien s’engage dans la
Légion. De retour à Paris trois ans plus tard, Jean Dumont ne parvient pas à se
dépêtrer d’insomnies chroniques. Il explore alors la faune nocturne parisienne.
Prolongement de la vie dans la vie, la nuit est une maîtresse insoumise et
capricieuse. Jean Dumont la fait découvrir à de fortunés étrangers.
Sans être un récit autobiographique, Les
Gens de la nuit est
ce qu’on appelle un « roman vrai ». C’est le temps « des phonos
et des disques, des séminaristes “indochinois”, des voitures décapotables, de
la passion pour le whisky ». Place Pigalle, boîtes de nuit, l’aurore à
Montparnasse ou Montmartre, Jean Dumont vagabonde. Ses fréquentations sont
romanesques. Gisèle est sa belle de nuit toxicomane. Lella, militante
communiste traquée par la police, est la maîtresse d’un ancien SS devenu
peintre et cracheur de feu, Michel.
Du jazz aux déboires idéologiques, de la
violence à la camaraderie, des amours distraites à la recherche du salut, Les Gens de la nuit est le roman du mal de vivre et de la
vie malgré tout. Un cours du soir où les boissons d’homme aident à résoudre les
équations de la nuit. Où les blessures et les femmes – c’est un peu la même
chose – nous font décrocher malgré nous le certificat de la vie.
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