Tout au long de ces 900 pages, Jean-Marie Rouart présente
les écrivains (120) qui ont compté pour lui, français ou étrangers.
Naturellement, c’est subjectif et arbitraire. Y’a-t-il une autre façon
d’aimer ? Car c’est bien d’amour qu’il s’agit ; l’amour immodéré des
mots et des écrivains qui nous en apprennent un peu plus sur l’existence :
des classiques (Stendhal tendance Chartreuse de Parme,
Musset…) aux écrivains plus confidentiels (Joseph Delteil, P.-J. Toulet,
Maurice Sachs…) « qui n'encombrent pas les autoroutes de la
célébrité ».
Jean-Marie Rouart dresse portraits d’écrivains et mêle
morceaux choisis de leurs livres – pas nécessairement les plus attendus. Si
presque tous sont morts, il a retenu quelques vivants comme Michel Déon ou
Houellebecq notamment. Il fait également de la place aux femmes, comme Colette,
dont il ne faut jamais manquer une occasion de saluer le style. Jean-Marie
Rouart présente « ses » écrivains en différentes catégories. On
trouvera par exemple :
-
les soleils païens (Rabelais, Restif de la Bretonne…)
-
les cœurs en écharpe (Fitzgerald, Rilke, Aragon, Apollinaire…)
-
les magiciens (Cocteau, Blondin, P.-J. Toulet …)
-
les amants malheureux de l'Histoire (Stendhal, Péguy, Drieu la Rochelle…)
-
les bourlingueurs de l'infini (Conrad, Hemingway, Pierre Loti, Blaise
Cendrars…)
-
les fracasseurs de vitres (Bernanos, Céline, Suarès…)
-
les Printemps foudroyés (Roger Nimier, Raymond Radiguet…)
-
les polémistes à poil dur (Léon Bloy, Charles Maurras…)
-
les monuments (Flaubert, Tolstoï…)
-
les moitrinaires (Montaigne, Nourissier…)
Une bien chouette équipée d’écrivains à découvrir ou à
revisiter. On aime dans ce livre l’émouvante sincérité d’un homme « qui à
18 ans ratait à peu près tout » et s’est en quelque sorte réconcilié avec
la vie grâce aux livres. Les souvenirs délivrés par Jean-Marie Rouart sur son rapport
à la lecture sont touchants : enfant, il revenait de l’école et écoutait,
en compagnie de sa mère, le poste de radio qui, par la voix d’une comédienne,
diffusait la lecture d’un roman commencé la veille. On aime également le fait
qu’il s’attache uniquement aux considérations littéraires, au plaisir que
procure le style d’un auteur. Il épargne au lecteur toute considération morale.
Enfin, on aime ses audaces : Rouart parle d’infréquentables comme Gobineau
ou Léon Daudet.
Il y a un plaisir fou à déambuler dans ce livre, qui a tout
d’un classique en devenir. C’est une (belle) histoire de la littérature par
Jean-Marie Rouart. « Je demandais aux livres : comment fait-on pour
vivre, pour aimer, pour être heureux ? ».
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