De nécessite vertu

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samedi 19 décembre 2015

Ces amis qui enchantent la vie, Jean-Marie Rouart


  Sa plus belle histoire d’amour, c'est elle : la littérature. Et c’est bien connu, la littérature est une maîtresse dévorante. Jean-Marie Rouart souligne à raison : « le mystère de la lecture, c’est que, de toutes les passions, c’est une de celles qui ne s’épuisent pas ». Dans ce livre-somme, Ces amis qui enchantent la vie, sous-titré Passions littéraires, l’académicien et ancien directeur du Figaro littéraire s’adonne à ce plaisir rare et hautement estimable lorsqu’il est bien fait : admirer.

 Tout au long de ces 900 pages, Jean-Marie Rouart présente les écrivains (120) qui ont compté pour lui, français ou étrangers. Naturellement, c’est subjectif et arbitraire. Y’a-t-il une autre façon d’aimer ? Car c’est bien d’amour qu’il s’agit ; l’amour immodéré des mots et des écrivains qui nous en apprennent un peu plus sur l’existence : des classiques (Stendhal tendance Chartreuse de Parme, Musset…) aux écrivains plus confidentiels (Joseph Delteil, P.-J. Toulet, Maurice Sachs…) « qui n'encombrent pas les autoroutes de la célébrité ».

 Jean-Marie Rouart dresse portraits d’écrivains et mêle morceaux choisis de leurs livres – pas nécessairement les plus attendus. Si presque tous sont morts, il a retenu quelques vivants comme Michel Déon ou Houellebecq notamment. Il fait également de la place aux femmes, comme Colette, dont il ne faut jamais manquer une occasion de saluer le style. Jean-Marie Rouart présente « ses » écrivains en différentes catégories. On trouvera par exemple :
-          les soleils païens (Rabelais, Restif de la Bretonne…)
-          les cœurs en écharpe (Fitzgerald, Rilke, Aragon, Apollinaire…)
-          les magiciens (Cocteau, Blondin, P.-J. Toulet …)
-          les amants malheureux de l'Histoire (Stendhal, Péguy, Drieu la Rochelle…)
-          les bourlingueurs de l'infini (Conrad, Hemingway, Pierre Loti, Blaise Cendrars…)
-          les fracasseurs de vitres (Bernanos, Céline, Suarès…)
-          les Printemps foudroyés (Roger Nimier, Raymond Radiguet…)
-          les polémistes à poil dur (Léon Bloy, Charles Maurras…)
-          les monuments (Flaubert, Tolstoï…)
-          les moitrinaires (Montaigne, Nourissier…)

  Une bien chouette équipée d’écrivains à découvrir ou à revisiter. On aime dans ce livre l’émouvante sincérité d’un homme « qui à 18 ans ratait à peu près tout » et s’est en quelque sorte réconcilié avec la vie grâce aux livres. Les souvenirs délivrés par Jean-Marie Rouart sur son rapport à la lecture sont touchants : enfant, il revenait de l’école et écoutait, en compagnie de sa mère, le poste de radio qui, par la voix d’une comédienne, diffusait la lecture d’un roman commencé la veille. On aime également le fait qu’il s’attache uniquement aux considérations littéraires, au plaisir que procure le style d’un auteur. Il épargne au lecteur toute considération morale. Enfin, on aime ses audaces : Rouart parle d’infréquentables comme Gobineau ou Léon Daudet.

 Il y a un plaisir fou à déambuler dans ce livre, qui a tout d’un classique en devenir. C’est une (belle) histoire de la littérature par Jean-Marie Rouart. « Je demandais aux livres : comment fait-on pour vivre, pour aimer, pour être heureux ? ».

 Ces amis qui enchantent la vie, Jean-Marie Rouart, Robert Laffont

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