Couronnée par le prix de Flore 2013 pour Tout
Cela n’a rien à voir avec moi (JC Lattès), Monica Sabolo
revient avec un récit saganesque en diable au cœur des sixties
finissantes : Crans-Montana.
Le spleen de la jeunesse dorée fait parfois de bons livres.
On y trouve souvent une matière romanesque qui n’est pas désagréable. En
particulier pour les générations d’après-guerre. Dans Crans-Montana,
du nom de la très sélect station de ski helvète, Monica Sabolo met en scène
l’existence de trois jeunes femmes aussi énigmatiques qu’irrésistibles. Les
« trois C » sont inséparables. Une italienne, deux françaises. Trio
magique. Il y a Claudia, une blonde étourdissante aux « hanches
menues » et au « sourire enjôleur » ; Chris, « peau
mate, lèvres provocantes, ongles longs comme des griffes », et puis
Charlie, « cheveux noirs jusqu’aux fesses, petits seins ». Que
dissimulent-elles derrière leur joli minois, leur sourire désarmant, leurs
longues jambes et leurs manteaux de fourrure ? Naturellement, les garçons
sont tous amoureux d’elles. Qu’ils soient parisiens ou milanais, timides ou
audacieux, ils sont subjugués. Ils les suivent sur les pistes de ski, les
terrains de tennis, les parcours de golf, aux soirées. Elles aimantent les
regards, exercent une fascination assez singulière.
A Crans-Montana, les riches familles européennes viennent
passer l’hiver. La jeunesse dorée y séjourne avec l’idée exquise de ne rien
faire. Cette génération née juste après la guerre a bien envie de folâtrer.
Dans la première partie, Monica Sabolo donne la parole aux
« garçons », utilisant un « nous » de camaraderie. Les
garçons scrutent l’insondable trinité féminine. Ils sont plus ou moins tenus à
distance. Les fantasmes ne sont pas loin de leurs suffire. Un certain romantisme
guette le cœur de ces jeunes hommes.
La deuxième partie du roman s’articule autour des
ruminations des jeunes femmes. On quitte les sixties pour les années 80.
Opulence, fêtes dissolues, drogues. Des chalets aux boîtes de nuit, l’univers
des « trois C » se délite. Cocaïne, caviar, chute. Leur destin a un
arrière-goût de tragique. Le sentiment de l’inéluctable plane. La tension
dramatique est habilement rendue par Monica Sabolo. Le romantisme du début de
récit se mue en noirceur tenace. En arrière-plan, la société des années 70 et
80 : l’après mai 68, la Françafrique, les effluves de la Collaboration…
D’une écriture fluide et plaisante, assez sensitive
(quelques jolies métaphores notamment), Monica Sabolo a su capter une certaine
atmosphère : vague à l’âme adulescent au cœur d’un milieu social huppé.
S’exerce un certain magnétisme qui doit beaucoup à ce paysage de montagne et de
lumières, à cet univers ouaté et vénéneux. Entre poésie et désenchantement, Crans-Montana est une réussite.
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