De nécessite vertu

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samedi 19 décembre 2015

Crans-Montana, Monica Sabolo




 Couronnée par le prix de Flore 2013 pour Tout Cela n’a rien à voir avec moi (JC Lattès), Monica Sabolo revient avec un récit saganesque en diable au cœur des sixties finissantes : Crans-Montana.

 Le spleen de la jeunesse dorée fait parfois de bons livres. On y trouve souvent une matière romanesque qui n’est pas désagréable. En particulier pour les générations d’après-guerre. Dans Crans-Montana, du nom de la très sélect station de ski helvète, Monica Sabolo met en scène l’existence de trois jeunes femmes aussi énigmatiques qu’irrésistibles. Les « trois C » sont inséparables. Une italienne, deux françaises. Trio magique. Il y a Claudia, une blonde étourdissante aux « hanches menues » et au « sourire enjôleur » ; Chris, « peau mate, lèvres provocantes, ongles longs comme des griffes », et puis Charlie, « cheveux noirs jusqu’aux fesses, petits seins ». Que dissimulent-elles derrière leur joli minois, leur sourire désarmant, leurs longues jambes et leurs manteaux de fourrure ? Naturellement, les garçons sont tous amoureux d’elles. Qu’ils soient parisiens ou milanais, timides ou audacieux, ils sont subjugués. Ils les suivent sur les pistes de ski, les terrains de tennis, les parcours de golf, aux soirées. Elles aimantent les regards, exercent une fascination assez singulière.

 A Crans-Montana, les riches familles européennes viennent passer l’hiver. La jeunesse dorée y séjourne avec l’idée exquise de ne rien faire. Cette génération née juste après la guerre a bien envie de folâtrer. Dans la première partie, Monica Sabolo donne la parole aux « garçons », utilisant un « nous » de camaraderie. Les garçons scrutent l’insondable trinité féminine. Ils sont plus ou moins tenus à distance. Les fantasmes ne sont pas loin de leurs suffire. Un certain romantisme guette le cœur de ces jeunes hommes.

 La deuxième partie du roman s’articule autour des ruminations des jeunes femmes. On quitte les sixties pour les années 80. Opulence, fêtes dissolues, drogues. Des chalets aux boîtes de nuit, l’univers des « trois C » se délite. Cocaïne, caviar, chute. Leur destin a un arrière-goût de tragique. Le sentiment de l’inéluctable plane. La tension dramatique est habilement rendue par Monica Sabolo. Le romantisme du début de récit se mue en noirceur tenace. En arrière-plan, la société des années 70 et 80 : l’après mai 68, la Françafrique, les effluves de la Collaboration…

 D’une écriture fluide et plaisante, assez sensitive (quelques jolies métaphores notamment), Monica Sabolo a su capter une certaine atmosphère : vague à l’âme adulescent au cœur d’un milieu social huppé. S’exerce un certain magnétisme qui doit beaucoup à ce paysage de montagne et de lumières, à cet univers ouaté et vénéneux. Entre poésie et désenchantement, Crans-Montana est une réussite.

  Monica SaboloCrans-Montana, JC Lattès, 240 p

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