De nécessite vertu

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samedi 20 février 2016

Le silence, Jean-Claude Pirotte


  Lorsqu’est publié le livre posthume d’un écrivain qui compte beaucoup pour soi, on ne peut s’empêcher d’avoir une prudence de Sioux. Quelques péripéties trop bien connues – texte inachevé, ou au contraire achevé… par d’autres, tentative pas toujours louable de l’éditeur… – rôdent dans les têtes. Toute pensée de ce genre sera d’emblée dissipée à la lecture de la publication, chez Stock, du récit posthume de Jean-Claude Pirotte (disparu en mai 2014), Le Silence.

 Au préalable, il convient de saluer la si juste et jolie préface de Philippe Claudel : « Poète d’une littérature d’ébriété et d’émiettement, Pirotte à construit sa propre légende, celle d’un errant misérable (…) à qui le tabac et le vin, les livres, la vie fragile des hommes, les étoiles et les paysages, donnaient quelques joies durables et des raisons, sinon d’espérer, du moins de supporter l’épreuve du jour ». On a rarement parlé aussi admirablement de l’auteur d’Une adolescence en Gueldre (2006).

 Le silence est un livre aussi énigmatique et enivrant que l’était son auteur. Mince et délicat (80 pages écrites en 2011 – « je n’ai pas l’âge romanesque » écrit Pirotte), ce récit assez singulier est une sorte de recueil construit en brefs chapitres qui sont autant de souvenirs (l’enfance, le travail des vendanges, les amitiés…), de témoignages, de descriptions de paysages. C’est un ressassement merveilleux qui rappelle les derniers livres de Jacques Chardonne (notamment par le déroulé décousu d’une mémoire et de ses portraits, ainsi que par sa brièveté), dont Jean-Claude Pirotte est un digne héritier.  

 De ce « silence habité », sobre et profond, Pirotte tire un récit où la majesté de l’intime se déploie avec pudeur, élégance et poésie. C’est un livre subtil et souverain où souffle l’esprit. L’esprit du vin et de l’ivresse, aussi, avec ses nombreuses métaphores viticoles. « Je n’ai pas trouvé la poésie dans le vin, mais le vin dans la poésie. Dans ma cave, il n’y a pas de vin. Il n’y a que d’heureuses espérances ». Ce récit de déambulations est écrit avec la grâce du vague à l’âme, avec la mélancolie de celui qui tend la main vers sa jeunesse perdue.



 Le silence, Jean-Claude Pirotte, Stock.

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